Le pastorat en pleine évolution

"Etoile du berger" pour la profession pastorale

Le 5 décembre 2001, lors de sa session d'hiver, le Synode (parlement de l'Eglise) décidait d'introduire un article dans le Règlement ecclésiastique qui porte sur les "capacités, compétences et conditions nécessaires à l'exercice du ministère pastoral"[1] et demandait aussi l'élaboration d'un profil pastoral approprié. Et comme le Conseil synodal l'a relevé en 2005 dans la préface de ce texte, marquant l'exécution de ce texte, le Profil pastoral devrait servir en quelque sorte d'"Etoile du berger de l'action pastorale"[2]. Le fait qu'une Eglise se dote d'un tel document pour un groupe professionnel essentiel pour elle, montre l'ampleur de l'évolution que l'ensemble du corps pastoral a affronté durant les années de 2001 à 2010. En cinq brefs chapitres, nous tenterons de mettre en évidence les grandes lignes de cette évolution. Les points déterminants seront illustrés par les témoignages de pasteures et pasteurs.

La fonction du ministère pastoral au carrefour entre affaires intérieures et extérieures de l'Eglise dans le canton de Berne

Comme l'a relevé Hansruedi Spichiger, Délégué aux affaires ecclésiastiques du canton de Berne durant de nombreuses années, dans son allocution d'adieu en 2012, les relations entre l'Eglise et l'Etat sont restées stables dans le canton de Berne au cours des années écoulées, constatation qui s'applique à toute la période allant de 2001 à 2010. Si, dans les années 1990, des postes pastoraux étaient encore créés, au tournant du millénaire. les premières mesures radicales d'économie ont été instaurées par le canton. Ce sont 7 millions de francs d'économies que l'Eglise devait absorber, soit quelque 45 postes pastoraux supprimés avant 2006. Dans ce contexte difficile du réaménagement des postes pastoraux et de leur réduction qui a marqué ces dix dernières années, la collaboration entre l'Eglise et l'Etat peut être qualifiée de satisfaisante et on peut même dire qu'elle a connu un nouvel élan.

L'examen stratégique des prestations publiques (ESPP), auquel a procédé le canton et qui a débouché sur une réduction des postes pastoraux[3], a concerné en particulier les années 2002 à 2006. Il a été à l'origine de grands changements et a eu d'importantes répercussions. C'est justement au cours de ces négociations difficiles et tendues que l'Eglise et l'Etat ont eu à cœur de privilégier un partenariat consensuel. La direction de l'Eglise a été amenée à défendre sa position face aux paroisses et à certains membres du corps pastoral. Toutefois, la relation étroite entre l'Etat et l'Eglise a permis de garantir aux paroisses une certaine stabilité dans le maintien des postes pastoraux.

Une certaine forme de gestion et de planification des postes pastoraux a été introduite à partir de 1993. A ce stade, les efforts d'économie consentis par les postes pastoraux et les paroisses se traduisaient par des emplois à temps partiel. Ces changements ont eu de grosses répercussions: lors de l'introduction des emplois à temps partiel, la Société pastorale réformée évangélique a en particulier demandé l'élaboration d'un descriptif de poste pour les postes à plein temps permettant ensuite de définir les postes à temps partiel.

L'introduction des descriptifs de poste et le caractère juridiquement contraignant des conditions d'engagement qui en découle ont été le prolongement logique de cette évolution. Les membres du corps pastoral ont réagi de manière différenciée à l'introduction des descriptifs de poste pourtant exigés par la Société pastorale réformée évangélique. Certaines pasteures et certains pasteurs y ont vu l'opportunité d'un nouveau dialogue avec le conseil de paroisse sur la question de la définition du poste pastoral; ils en escomptaient davantage de sécurité et la possibilité de mieux délimiter travail et vie privée. D'autres ont estimé que le descriptif de poste, fondé sur des indicateurs chiffrés, était une enfreinte à la dignité de la fonction et au rayonnement du ministère pastoral. Beaucoup ont craint et redouté qu'en suivant cette voie, les membres du corps pastoral ne soient réduits au statut de simple employé. L'autre constat est que, pour de nombreux membres du corps pastoral, l'élection par l'assemblée de paroisse représentait un acquis juridique très important qui perdrait de sa valeur avec de tels changements survenant dans la profession.

Le concept du descriptif de poste pour chaque poste pastoral constituait aussi la réponse de l'Eglise et de l'Etat  au rapport "Le corps pastoral est-il en crise?", élaboré en 1999, suite à une initiative du pasteur régional R. Zimmermann sur mandat du Conseil synodal, du Délégué aux affaires ecclésiastiques et de la Société pastorale réformée évangélique. Il demandait la mise au point d' un "portrait-type de la fonction du pasteur, précisant ses droits et devoirs"[4].

Mais d'autres changements importants ont accompagné le document "Descriptif de poste". Pour répondre à la nécessité d'avoir la vue d'ensemble du temps de travail  effectif pour chaque poste pastoral, le canton a introduit un contrôle des absences qui prévoit une compensation pour le travail effectué les dimanches et les jours fériés. Cette liste, qui doit être établie chaque année, a été approuvée par une partie du corps pastoral et rejetée par les autres qui la considèrent comme un tigre de papier. Il a fallu plusieurs années pour qu'à l'usage, cette mesure bénéficie d'une certaine acceptation.

Toutes les personnes engagées auprès du canton de Berne sont soumises à un entretien d'appréciation et de développement annuel au cours duquel leurs prestations et leurs perspectives de développement sont examinées. Cet instrument avait déjà été introduit en 1998 pour les membres du corps pastoral. De ce fait, on a dû renoncer à un entretien d'appréciation et de développement annuel "officiel" par manque de moyens suffisants. Depuis, tous les trois ans, le conseil de paroisse conduit avec les pasteures et pasteurs un tel entretien animé par le responsable du corps pastoral régional compétent. Le long intervalle entre les entretiens explique peut-être la raison pour laquelle au cours de l'enquête sur le personnel du canton de Berne en 2006, seul un faible pourcentage des personnes interrogées parmi le corps pastoral s'est exprimé favorablement sur l'entretien d'appréciation et de développement

Il faut rappeler à ce stade que la collaboration étroite entre les services de l'Etat et de l'Eglise est un signe fondamental de continuité tout au long de ces années, ce qui ne va pas de soi.

Les changements à l'Université de Berne et leurs répercussions sur la formation des pasteures et pasteurs

La formation pratique au ministère pastoral, qui a eu des répercussions particulières sur la cohabitation entre les différents postes, était et reste un point crucial.

La Loi sur l'Université du canton de Berne a subi une refonte dans les années 1990. A la suite de ces changements d'ordre juridique, des éléments essentiels de la formation pratique au ministère pastoral (stage pastoral) ont acquis une nouvelle physionomie. En 2002, le Conseil synodal a pris des décisions concernant l'Ordonnance sur l'admission au stage, la formation théologique pratique pendant le stage et les conditions à la réussite du stage. Cette ordonnance régit les dispositions d'exécution pour le stage pastoral, lequel a été entièrement remanié pendant ces années.  

En 2002, sous la forme d'un contrat de droit public, la collaboration entre l'Etat, l'Eglise et l'Université s'est vue dotée d'une base solide en matière de formation de théologie pratique. Ces dispositions juridiques permettent de moderniser le stage de formation des futurs membres du corps pastoral.  

Le Conseil synodal a créé en 2003 le conseil de la formation en tant qu'organe de pilotage central qui a remplacé la commission des stages. Le canton de Berne, l'Eglise nationale réformée et l'Université de Berne y sont représentés. L'instauration de cette instance a permis, quelques années plus tard, de rétablir le contact entre l'Université et l'Eglise. Après la signature de la convention de droit public, la responsabilité du conseil revenait au secteur Théologie placé sous la direction du pasteur et Conseiller synodal Andreas Zeller. Aux côtés du Délégué aux affaires ecclésiastiques du canton siégeait également le professeur Maurice Baumann cumulant les tâches de co-président du conseil de la formation et de représentant de l'Université.

En se référant à ces bases juridiques stables, le stage pastoral a subi une mutation profonde. Outre la collaboration avec les paroisses, des journées spéciales de formation ont été mises en place, des cours ainsi qu'une supervision. Les évaluations (assessments) effectuées depuis lors par l'Université de Lausanne, bien qu'elles n'aient pas d'influence sur la réussite à l'examen final, donnent des indications importantes sur l'aptitude des candidates et candidats. Les nouveautés introduites dans les stages de formation visent cinq domaines de compétences dans lesquels l'évolution du candidat pendant la formation est attentivement suivie. Il s'agit de compétences portant sur :

  • la vie chrétienne, la spiritualité
  • la communication
  • la théologie
  • la direction et la gestion (management)
  • le professionnalisme

Le Service de coordination pour la formation théologique pratique KOPTA a assuré la mise en réseau et la bonne cohésion entre toutes les personnes concernées par le stage pastoral d'entente avec le conseil de la formation. Grâce à toutes ces nouveautés, le semestre pratique et le stage pastoral ont gagné en qualité et en orientation pratique avec la possibilité de se livrer à des réflexions approfondies.                                            

L'Ecole pratique de Théologie (EPT) a organisé régulièrement des cours entre 2001 et 2010 et, durant ces années, a permis à 34 candidates et candidats d'obtenir le certificat de maturité qui leur a ouvert la porte aux études de théologie.

La formation continue des ministres pour accompagner les membres du corps pastoral

"La formation continue des ministres doit, de par ses thèmes et sa durée, se rapprocher des pasteures et pasteurs."[5] Cette phrase tirée du rapport annuel de 2005 des Eglises de Berne-Jura-Soleure illustre une évolution qui s'est fait jour déjà  les années précédentes. De gros efforts ont été consentis dans cette direction par la suite. On le voit dans le fait que, pendant toutes ces années, trois cours proposés sur quatre en moyenne ont eu un nombre de participants suffisant pour être menés à bien. L'offre de formation continue a manifestement comblé les besoins des membres du corps pastoral.

Le soutien aux pasteures et pasteurs durant les cinq premières années de leur ministère au moyen d'offres ciblées et d'un coaching spécialisé et individuel a constitué un point essentiel dans les mesures mises en place par les responsables de la formation. Les progrès et les expériences réalisés dans ce domaine étaient et sont extrêmement importants pour exercer sa fonction de manière satisfaisante.

Tous les efforts déployés pour mettre en place un réseau solide en matière de formation l'ont été aussi dans le domaine de la formation continue. Alors que des contacts existaient déjà au niveau suisse sous son prédécesseur, le pasteur Hermann Kocher, responsable du service de la formation continue depuis juillet 2001, a su élargir la collaboration avec les organes de formation continue dans le concordat (a+w à Zurich) et en Suisse romande (opf à Neuchâtel). Un conseil de la formation continue nouvellement fondé sous la direction du pasteur Andreas Zeller, membre du Conseil synodal, a commencé ses activités en 2005. Puis, le pasteur Lucien Boder, membre du Conseil synodal lui aussi, s'est attelé au développement de cette instance et de l'ensemble de la "Formation continue en Suisse".

La publication régulière du journal "momentum" à partir de 2006 était un signe fort vers l'extérieur, puisque le journal reprend des thèmes importants en lien avec l'Eglise et la formation continue. Durant la même période, les sites de toutes les offres de formation continue ont été modernisés sous le label www.protestant-formation.ch. Ces mises en lien ont permis de solliciter et d'améliorer la collaboration entre les trois organisations dédiées à la formation continue.

L'adaptation des formations continues plus longues aux directives sur les structures de formation selon "Bologne" a engendré un gros volume de travail. Une vaste offre dans le domaine de l'accompagnement spirituel a pu être développée en collaboration avec la Kommission für Aus- und Weiterbildung für Seelsorge (aws), le Service de la formation continue (pwb) et la Faculté de théologie de l'Université de Berne.

En organisant de grandes conférences sur les thèmes de l'homilétique, des actes ecclésiastiques, du développement de la paroisse et de la cybernétique, le Service de la formation continue a jeté les bases d'un processus d'acquisition des connaissances et de savoir-faire qui fera sentir ses effets bien au-delà de 2010.

Puis, à partir de 2009, les responsables se sont plus particulièrement attachés à développer une "culture du transfert". Les mesures prises doivent servir à améliorer le transfert des acquis dans la vie quotidienne du pastorat et à se rendre plus visibles auprès des autorités, des paroissiens et des organes de formation continue.

Les évolutions intervenues au sein des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure

Si l'on examine les changements survenus dans la formation et la formation continue, à l'Université de Berne et au canton, force est de constater que les années 2001 à 2010 ont été des années de changement fondamental pour le pastorat au sein des Eglises de Berne-Jura-Soleure. Nous examinerons ici les développements internes à l'Eglise.

Au début de la période sur laquelle porte le présent rapport, ces changements n'étaient guère prévisibles. En effet, les travaux importants qui devaient être effectués sur les bases juridiques du pastorat sont restés lettre morte pendant des années.

Le Règlement ecclésiastique avait, en 1990 déjà, intégré une disposition instituant l'obligation d'élaborer un Règlement de service pour pasteures et pasteurs[6]. Cependant, la tendance que l'on pouvait remarquer dans le Règlement ecclésiastique a eu des répercussions tout à fait différentes: en insistant sur la valeur égale reconnue aux différents ministères services actifs au sein de l'Eglise, les tensions entre les pasteures et pasteurs, les collaboratrices et collaborateurs socio-diaconaux et les catéchètes s'en trouvaient exacerbées. Un Règlement de service pour toutes les catégories professionnelles n'a pas abouti.

Ce n'est qu'avec la réorganisation des Services généraux de l'Eglise que l'on a pu repartir de zéro. "(…) Le secteur Théologie nouvellement créé avec Reo 2003 et la redéfinition de la théologie comme un département synodal placé sous la direction d'un théologien diplômé, Andreas Zeller, membre du Conseil synodal, conjointement avec la cheffe de secteur, Astrid Mäder, théologienne au bénéfice d'une expérience du pastorat, était en mesure de traduire dans les faits le mandat du Synode et créer un Règlement de service dans l'esprit d'une théologie pastorale"[7]. Avec la création du secteur Théologie, le corps pastoral a bénéficié pour la première fois, dans les Eglises Berne-Jura-Soleure, d'un interlocuteur clairement défini au sein des Services généraux.

Sous la conduite rigoureuse du secteur Théologie, on a eu à cœur d'intégrer systématiquement le corps pastoral dans la procédure de consultation portant sur le Règlement de service. Un groupe de travail représentatif a présenté un projet qui, après la procédure de consultation, a été adopté par le Conseil synodal à l'issue de plusieurs lectures et présenté au Synode pour information. Son entrée en vigueur le 1er janvier 2006 a signifié que le mandat imparti par le Synode en 1990 avait été bel et bien rempli.

Les expériences déjà faites dans le cadre de l'élaboration du Profil pastoral au sein dusecteur Théologie ont joué un rôle déterminant.

A la suite d'une modification des bases juridiques de l'Université de Berne, le Synode a été dans l'obligation, en 2000, de céder au Conseil synodal ses compétences par rapport à l'élaboration d'un profil d'exigences pour pasteures et pasteurs. Pour assurer le lien avec lui, le Synode a introduit une disposition dans le Règlement ecclésiastique[8] prévoyant l'approbation par le Parlement de l'Eglise d'un Profil pastoral.

Après de vastes travaux préparatoires, le Règlement de service et le Profil pastoral sont successivement passés dans la phase de consultation. Le Synode d'hiver de 2003 a traité une première version du profil pastoral. Les conférences pastorales de 2004, qui ont compté près de 400 participants, membres du corps pastoral, ont traité les deux documents et des discussions fructueuses ont eu lieu ici et là. Le Synode a adopté le Profil pastoral en décembre 2004, à la condition que le texte soit revu et soumis à nouveau au Synode après huit ans. Le Profil pastoral porte la griffe de la cheffe de secteur Astrid Maeder et du Conseiller synodal Andreas Zeller.

A posteriori, il est difficile de se représenter ce qu'il a fallu pour rédiger ces deux textes et ce n'est qu'avec plusieurs années de recul que l'on reconnaît la portée de ces publications. Ainsi, la direction de l'Eglise a tenu compte du changement fondamental qui a touché la manière de concevoir l'Eglise, les fonctions et le pastorat en particulier. Samuel Lutz, ancien président du Conseil synodal, le souligne à juste titre dans sa contribution: "On a parlé expressément de la crise du pastorat"[9]. Le Conseil synodal a réagi à la crise par l'adoption de nouvelles dispositions juridiques et, avec ces deux documents, a créé un instrument qui devrait révéler son bien-fondé dans les années à venir.

Dans le prolongement de l'élaboration de ces textes fondamentaux, presque sans transition une nouvelle étape commençait pour le pastorat, qui a abouti en 2010 seulement. Le 14 novembre 2007, le Conseil synodal décidait d'instaurer un groupe de travail en vue d'examiner les conditions d'engagement des pasteures et pasteurs. Cet examen était nécessaire au vu d'un projet du Délégué aux affaires ecclésiastiques du canton de Berne, car une étude préliminaire avait déjà été réalisée depuis 2007 en vue de la révision de la Loi bernoise sur les Eglises. Le président du Conseil synodal Samuel Lutz et le Délégué aux affaires ecclésiastiques Hansruedi Spichiger étaient déjà conscients depuis longtemps que des questions restaient en suspens.

Le groupe de projet a traité les thèmes ci-dessous sous une direction cantonale avant d'être soumis à divers organes pour décision:

  • procédure d'engagement
  • dotations de postes
  • volume de travail minimal du ministère pastoral dans la paroisse
  • obligation de résidence et obligation de logement de fonction
  • possibilité de sanctions et fin des rapports de travail
  • direction d'équipe
  • rétributions

Cette liste montre clairement l'ampleur des modifications à apporter sur des éléments constitutifs de la profession. Quelques points sont restés en suspens aussi après 2010. Le reste a été réglé par le canton de Berne dans la Loi sur les Eglises nationales bernoises.

Durant toutes ces années, sur la question du positionnement et des activités des membres du corps pastoral, les travaux préliminaires relatifs à la révision du Règlement ecclésiastique ont été significatifs. La révision a porté sur les notions-clé d' "Eglise, de ministère, de consécration, de reconnaissance de ministère et de direction de l'Eglise". En particulier, la question de la compréhension du rôle du pasteur par rapport au fait que la direction de la paroisse est confiée au Conseil de paroisse a occupé bon nombre de membres de l'Eglise intéressés par ce sujet. Sur la base des intérêts qu'elles défendaient à cette époque, autant la Société pastorale réformée évangélique que l'Association des paroisses du canton de Berne ont rédigé des prises de position devant régler une fois pour toute la question de la direction de la paroisse. Les résultats étaient loin d'être convergents. Une décision fondamentale sur ces questions était inévitable.

Des débats nourris et de nombreuses discussions ont eu lieu, non seulement au Synode mais aussi au sein des sociétés pastorales et des conférences pastorales.

Le Synode a pris d'importantes décisions de principe lors de la session d'hiver de 2008 et, en mai 2010, la révision du Règlement ecclésiastique a été acceptée en première lecture à une très large majorité. La persévérance du Conseil synodal sur ce dossier s'est révélée payante: le débat initié au Synode par le Conseil synodal et mené par le président du Conseil synodal Andreas Zeller et par le chef du secteur Théologie, le pasteur Lucien Boder, avait été bien préparé et conduit avec compétence. La révision des articles a pu être ainsi réalisée jusqu'en 2010 et être ensuite adoptée par décision finale du Synode le 24 mai 2011.

Le pastorat dans les années de 2001 à 2010: évaluations, observations, perspectives

Comme mentionné ci-dessus, les années de 2001 à 2010 sont une période de changements fondamentaux dans le pastorat et dans la perception qu'en ont les membres du corps pastoral et l'opinion (de l'Eglise).

Une certaine désécurisation a été ressentie au sein du corps pastoral dans le sillage des modifications du Règlement ecclésiastique des Eglises Berne-Jura-Soleure à partir de 1990. Bon nombre se sont interrogés: "Qu'est ce qui fait la spécificité de ma profession?" "Toutes les autres professions au sein de l'Eglise font visiblement "mon" travail mieux que moi". Le pasteur Samuel Lutz relève en évoquant cette époque: "On ne pouvait plus vraiment définir la  spécificité du pastorat".[10]

Les documents "Profil pastoral" et "Règlement de service" ont permis de circonscrire avec plus de précision le champ de travail proprement dit du pastorat. En même temps, ces deux textes ont décrit la quintessence de ce que signifie être pasteure ou pasteur. Les directives et les règlements étaient et restent, pour les membres du corps pastoral, une source de motivation et de satisfaction dans l'exercice de la profession.

Alors que, dans les années 1990, un nombre restreint de directives suffisait aux membres du corps pastoral pour "officier" dans la fonction pour le bien de la paroisse, accompagnés par le conseil de paroisse, en 2010, il fallait tenir compte de certains documents et en passer par l'élaboration de descriptifs de poste. On peut ici aussi parler de l'empreinte croissante du juridisme touchant le monde des organisations et des institutions, reflet de ce que l'on observe dans la société en général.

Le travail à temps partiel en forte croissance et l'augmentation continue de la présence des femmes dans le ministère pastoral sont deux autres tendances importantes observées pendant ces années[11] et qui ont généré une transformation importante de la perception que les membres du corps pastoral ont de leur ministère et de leur profession. La tendance décrite par Stolz et Ballif n'est pas anodine: "On relève une inquiétude diffuse par rapport à la sécurité de son poste de travail, au prestige, à la rémunération et à l'avenir en général de sa profession"[12].

Pendant cette période, une autre évolution déterminante pour les années à venir pouvait déjà être observée. A partir de 2007 déjà, il était évident qu'une pénurie de membres du corps pastoral se profilait à l'horizon. La situation dans les paroisses francophones a vite empiré, de sorte qu'il a fallu réagir rapidement à cette "pénurie pastorale" par diverses mesures. Aussi a-t-on admis, à titre de dérogation, des pasteures et pasteurs de l'extérieur du canton pour des suppléances.

Mais une pénurie de membres du corps pastoral s'est fait aussi de plus en plus sentir dans les paroisses alémaniques. Face aux nombreuses personnes originaires d'Allemagne qui se sont intéressées à des postes pastoraux vacants dans le canton de Berne et se sont portées candidates, les paroisses ont dû se positionner. Un fort recul du nombre des étudiantes et étudiants qui commençaient des études dans les facultés de théologie a été aussi constaté.

En réaction à ces graves questions, il faudra décider ces prochaines années comment faire évoluer la profession pastorale, comment lui conserver ses attraits, sa liberté de manœuvre et sa créativité attestée comme telle par une rémunération[13] en conséquence.

Andreas Gund

 


[1] Article 194, alinéa 4 du Règlement ecclésiastique

[2] Profil pastoral (2005)

[3] Voir le rapport de H. Spichiger cité dans le champ thématique: Commission de planification des postes pastoraux

[4] Vincenz, Inès (1999), Le corps pastoral est-il en crise?, page 14

[5] Eglises réformées Berne-Jura-Soleure (2006), Rapport d'activités 2005, p. 60

[6] Art. 124, al. 4, Règlement ecclésiastique

[7] Lutz, 2007, page 249

[8] Art. 194, al. 4 RE

[9] Lutz, 2007, page 250, sous 1.

[10] Lutz, 2007, page 248

[11] Davantage sur ce sujet: Stolz/Ballif, page 84 ss

[12] Stolz/Ballif, page 87

[13] Voir NZZ du 14 et 15 juillet 2012, page 10

Liste bibliographique et documents utilisés

  • Vincenz Inès, Rapport final de l'étude "Le corps pastoral est-il en crise?", 14 pages, février 1999.
  • Conseil Synodal des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure, Rapports annuels des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure, 2001-2010.
  • Conseil synodal des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure, Profil pastoral, Berne, 2005. [Profil pastoral – Etat: 31 août 2012]
  • Conseil synodal des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure, Règlement de service pour pasteures et pasteurs, Berne, 2005. [Règlement de service pour pasteures et pasteurs – Etat: 31 août 2012]
  • Lutz Samuel, "Der Berner Synodus heute" – Exposé du pasteur Samuel Lutz, président du Conseil synodal, in Die Wahrheit ist untödlich. Berner Täufer in Geschichte und Gegenwart. Contributions à un cycle de conférences de l'Université de Berne en hiver 2006-2007, publié par R. Dellsperger et H. R. Lavater, Berne, 2007 – Editions Simova – p. 243-262.
  •  Stolz Jürg et Ballif Edmée, L'avenir des Réformés, TVZ, Zurich, 2010.

Interviews avec: Mme la pasteure Christine Schmid, M. le pasteur Eduard Fuhrer, M. le pasteur Alfred Palm et Mme la pasteure Marie-Laure Krafft Golay

Le travail des pasteures et des pasteurs a beaucoup évolué dans les années 2001 à 2010. C'est ce qui ressort clairement du rapport. Mais quel impact cette évolution a eu dans les paroisses et dans les cures? Quatre pasteures et pasteurs qui ont travaillé durant ces années reviennent sur leurs expériences et s'expriment dans ces interviews. Pour chacune et chacun d'entre eux, écoutez leurs réflexions et leurs pensées:

Mme la pasteure Christine Schmid, année de naissance 1981, Pasteure dans la paroisse de Bolligen depuis 2008.
M. le pasteur Eduard Fuhrer, année de naissance 1947, Pasteur depuis 1974, Pasteur dans la paroisse de Steffisburg jusqu'en 2011.
M. le pasteur Alfred Palm, année de naissance 1959, Premier poste pastoral en 1992, Pasteur régional pour le Mitteland, Haute-Argovie depuis 1999.
Madame Past. Marie-Laure Krafft Golay, année de naissance 1968, Pasteure depuis 1999, Paroisse française Bienne depuis 1998.